samedi 16 mai 2015

THE KINKS

10 Songs

The Kinks



1.Waterloo Sunset (1967, Something Else)
A l'instar de "Yesterday", "Waterloo Sunset" est le fruit d'un rêve. Comme pour McCartney, le chef d'oeuvre s'imposa de manière fluide et naturelle à Ray Davies, comme par enchantement, juste au sortir du sommeil. A l'origine la chanson devait prendre place à Liverpool et décrire un coucher de soleil sur la Mersey, sensé symboliser le déclin du mouvement Mersey Beat. Finalement le compositeur transporta la saynète à Londres, sur les bords de la Tamise, dans la ville si chère à son cœur. Elle met en scène deux amoureux éperdus, Terry et Julie, se promenant paisiblement sur les bords du fleuve, dans la grâce éphémère d'une fin de soirée féerique, insoucieux du tumulte alentour et de la frénésie ambiante, comme transparents aux yeux des citadins et heureux de l'être. La ballade, nantie d'une mélodie à l'élégance folle ainsi que de chœurs séraphiques du plus bel effet (que l'on doit à sa femme Rasa), se révèle être l'une des plus belles créations de la décennie. Conscient de la qualité stupéfiante du morceau, Ray Davies cajola et peaufina sa merveille des heures durant, gardant le secret sur celle-ci jusqu'à la dernière minute, tellement la chanson représentait ce qu'il avait produit de plus grand et de plus personnel jusqu'ici. Grand bien lui en prit. D'une beauté et d'une pureté absolues, "Waterloo Sunset" constitue un hymne à l'innocence et à la contemplation à nul autre pareil, et définit au mieux la très grande sensibilité de son auteur, naviguant le plus souvent entre la mélancolie et la félicité dans ses compositions. Depuis, le titre est devenu un tel classique qu'il est même considéré de manière officieuse comme l'hymne de la cité britannique.

2.Sunny Afternoon (1966, Face To Face)
Pour la plupart des anglais, le morceau "Sunny Afternoon" évoque non seulement l'été et sa vague de bien-être annuelle, mais également et plus précisément la victoire de l'équipe d'Angleterre lors de la coupe du monde ayant eu lieu sur ses propres terres en 1966. L'équivalent du "I Will Survive" (la-la-la...) des bleus version britannique en quelque sorte. Pourtant, malgré son rythme immédiatement plaisant, "Sunny Afternoon" ne parle pas forcément de choses particulièrement joyeuses. A la manière du "Taxman" de George Harrisson datant de la même époque, Ray Davies commence par y relater les désagréments que comporte sa condition de nouveau riche, en premier lieu desquels le fait de payer plus de taxes, le laissant soi-disant sur la paille. S'ajoutent à cela des problèmes sentimentaux, sa compagne le quittant pour rentrer chez ses parents, ainsi que des problèmes d'alcoolisme et de violence conjugal. Bref, la panade complète. Et c'est encore une fois dans la contemplation et l'hédonisme que le personnage (Ray Davies ?) trouve sa bouée de sauvetage, ce dernier tentant d'oublier tout ça en coinçant la bulle au soleil, paisible à siroter des breuvages délicats. Ce fut en tous cas un hit phénoménal pour les Kinks à l'été de cette année ; la chanson délogeant en à peine une semaine "Paperback Writer" du sommet des charts britanniques et faisant même une percée remarquée dans le top 10 américain, alors même que le groupe y était interdit de séjour. Une sacrée performance.

3.Dead End Street (1966, Single)
S'il se plaint d'être assommé par les taxes et qu'il vit désormais une vie très confortable grâce aux royalties des chansons qu'il compose, Ray Davies n'en oublie pas pour autant d'ou il vient, et garde une conscience très aiguë de la vie des petites gens, le plus souvent écrasés par un système injuste et cruel. Dans "Dead End Street", le verdict est sans appel : les pauvres vivent une vie sans issue, de par la condition d’éphémère qui nous concerne tous déjà, mais qui plus est de par l'impossibilité de s'élever et ainsi d'espérer une vie meilleure qui pourrait améliorer sensiblement leurs conditions de vie. On vit et on meurt dans la caste où l'on est né, telle semble être la vision de la société britannique que se fait le Ray Davies d'alors. Mis en branle par des cuivres aux résonances funestes et une ligne de basse empreinte de gravité, le morceau annonce la couleur, oscillant entre sérieux et divertissement. Le clip aussi, dont l'humour grinçant fut d'ailleurs jugé de mauvais goût par la toute puissante BBC.

4.You Really Got Me (1964, Kinks)
La chanson qui a fait connaitre les Kinks des deux côtés de l'Atlantique. "You Really Got Me" est l'embryon du Punk, le carton furibard dans lequel s'engouffra par la suite toute une pelletée d’énervés du manche. La quintessence même du Rock se trouve enfermée dans ce riff de guitare d'une simplicité déconcertante : la rage, l'excitation juvénile et la spontanéité. Comme beaucoup de grandes chansons, celle-ci possède également ses légendes. L'une d'entre elles voudrait que ce soit Jimmy Page qui assurerait la tenue du riff et du solo foldingo du titre. Une autre avancerait que le son distordu du morceau ait été obtenu suite à la lacération par Dave Davies de son ampli lors d'une crise de nerfs. En tous cas le succès ahurissant du simple fut providentiel pour le groupe, qui selon toute vraisemblance était sur le point de se faire virer sans ménagement par le label Pye suite aux échecs des deux premiers singles.

5.Shangri-La (1969, Arthur or The Decline Of The British Empire)
Le chef d'oeuvre de l'album "Arthur", qui lui même est un chef d'oeuvre. C'est dire le niveau stratosphérique qu'atteint cette chanson. Et c'est avec le sens aiguisé de l'observation et tout le mordant qu'on lui connait que Ray Davies s'attaque au déclin de l'empire britannique. Un gros oeuvre, qui trouve sa plus belle traduction dans la description de cet homme simple, dont l'existence conditionnée et le travail de toute une vie aboutissent à une misérable retraite pour toute récompense. Sous ses jolis airs et sa douceur enivrante, c'est à une critique grinçante et désabusée du sacro-saint capitalisme, érigé en style de vie ultime, que l'on est confronté avec cette ballade aux changements de rythmes splendides. C'est le terrible constat d'une vie vide, remplie de gadgets commandés par la société de consommation. Une vie presque pour rien.

6.Village Green (1968, The Kinks Are The Village Green Preservation Society)
A contre courant total de la mode du moment qui consistait à produire des albums psychés et sophistiqués sous forte influence psychotrope, les Kinks allaient leur route sur des chemins moins sinueux, revenant à la simplicité et à la tradition la plus pure. Ce fut un suicide commercial complet évidemment, l'époque n'était pas à ressasser les souvenirs d'une époque révolue. Par sa couleur sonore teintée de baroque, "Village Green" n'est d'ailleurs pas sans rappeler une certaine "Two Sisters", qui fut enregistrée à la même époque, et qui fait de "Village Green" la plus vieille chanson constituant le projet "Preservation Society", ainsi que son pilier et son joyau.

7.A Well Respected Man (1965, Kwyet Kinks)
"A Well Respected Man" ouvre la voie à ce qui fera la grande réputation, si ce n'est la grande fortune, de Ray Davies et des siens dans la suite de la carrière du groupe. Il s'agit en effet de la première chanson qui fait la part belle à l'observation sociale, talent qui faisait toute la finesse du songwriting de Ray. Et ce sont les conventions et l'hypocrisie du style de vie des classes moyennes et supérieures britanniques qui sont ici croquées avec moquerie et malice par le grand Ray. C'est également le son caractéristique des compositions kinksiennes que l'on peut apprécier sur ce titre, le même qui fera la joie de titres tels que "Dedicated Follower of Fashion" ou "Sunny Afternoon" quelques semaines plus tard.

8.Afternoon Tea (1967, Something Else)
Qu' y a t'il de plus typiquement angliche au monde que la sacro-sainte heure du thé ? Réponse : rien. Il n'était dés lors pas étonnant que le groupe le plus typiquement angliche au monde rende un jour hommage à ce rituel liturgique anglichissime à souhait. Savoureusement mélancolique et mélodique, Afternoon Tea trempera vos charmantes esgourdes dans les délices d'un refrain d'une simplicité désarmante, qui ne manquera pas de vous escorter gentiment pendant plusieurs jours. Encore une fois il est question de sentiments doux amers avec cette gentille ballade pop, Ray Davies narrant la nostalgie d'une personne ayant perdu sa belle et dont le souvenir vient caresser sa mémoire à chaque fois qu'il s'offre au cérémonial de la tasse de thé. Plutôt Proustien pour le coup.

9.Two Sisters (1967, Something Else)
"Two Sisters" est l'une des plus brillantes vignettes du répertoire des Kinks à n'en pas douter, exactement le genre de petite vision sociale de poche dont Ray Davies possédait l'enviable secret. Dire tant de choses et fabriquer une telle atmosphère en si peu de temps et si peu de mots relève de la gageure la plus totale pour le commun des mortels, pourtant l’aîné des Davies s'en sort encore une fois haut la main avec cette petite perle baroque splendidement ornementée de clavecins et de cordes aussi discrètes que subtiles. Et si derrière cette histoire de dualité entre deux sœurs dont l'une est mariée et mère au foyer et l'autre célibataire et folâtre, se cachait en réalité une habile description des relations entre Ray et son cadet Dave, guitariste du groupe ?

10.Strangers (1970, Lola Vs Powerman & The Moneygoround)
Dans la famille Davies je demande le cadet, Dave. Si l'on savait le petit dernier de la fratrie capable des frasques les plus virevoltantes sur et en dehors de la scène (comme se friter avec le batteur en plein concert), on le pensait beaucoup moins capable de délivrer des ballades aussi touchantes et sérieuses que "Strangers". On avait tort. Il faut croire qu'à la manière de George Harrisson, la proximité de son génie de frère et l'habitude de se frotter à des compositions toutes plus majestueuses les unes que les autres finirent par rejaillir d'une manière bénéfique sur sa propre inspiration.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

LinkWithin

Related Posts Plugin for WordPress, Blogger...